Je tournai la tête avec arrogance, juste pour éviter de croiser le regard de ces imbéciles qui me considéraient comme une gamine.
- Clemence.
Sa voix pincharde retentit mais je fis comme si je ne l’avais pas entendu.
- Clemence.
- Abigael vous voulez dire. La corrigea automatiquement une voix que je ne connaissais pas
Alertée, je leur jetai un coup d’œil, effectivement, je ne l’avais jamais vu. Et bon sang, pourquoi voulait-il m’appeler Abigael ? J’étais Clemence, j’avais toujours été Clemence, la pitoyable et inexistante Clemence. Il fallait dire que j’avais passé presque toute ma vie ici, seule, à penser à ce qu’aurait pu être mon existence. On m’a toujours appelé Clemence. J’ignore pourquoi, je sais qu’on raconte que jadis, une fille s’appelait Clemence de Chrystal et vivait ici, au château de Chrystal. C’est le nom le plus poétique qu’ils ont trouvé pour nommer cet infâme endroit. Oh, ne vous méprenez pas sur les intentions de cette vieille garce, elle me déteste quasiment autant que je ne la déteste, plus n’aurait pas été possible. Mais si je ne lui avais jamais rien fait, moi, j’avais une raison de la haïr comme je le faisais. Elle avait détruit ma vie, elle avait fait de ma vie un enfer. Il y a exactement sept ans, je suis arrivée ici, ou plutôt ma mère est arrivée ici. Elle était enceinte, elle était perdue, elle était sur le point d’accoucher. Elle s’est retrouvée ici, à l’orphelinat sur Chrystal avenue, elle a accouchée et elle est partie. Pas partie dans le sens de partir, s’en aller, mais dans le sens de mourir, son esprit s’est envolé, elle s’est éloignée de moi, de sa fille et je suis restée ici. Elle ne m’a pas donné de nom alors on m’a appelé Clemence. Tout aurait pu bien se passer, j’aurais pu être heureuse malgré cela, des tas d’enfants sont heureux ici, enfin, pas tant que ça mais ce n’est qu’un seul orphelinat parmi tant d’autres. J’ignore si je me serai mieux adapté dans un autre lieu, ce qui est sur, c’est qu’ici, on me déteste. Je suis la fille bizarre, celle qui se permet d’insulter les autres, je n’ai que sept ans et pourtant, rien n’a jamais été aussi compliqué que ma vie. J’aurais aimé que quelqu’un vienne me chercher, ça avait été mon rêve depuis toujours, qu’un jour quelqu’un vienne, quelqu’un de ma famille, quelqu’un qui m’aimait. Mais ça en c’était jamais réalisé, j’étais restée là, à me morfondre sur la qualité, et la nécessité de ma vie. Je n’étais qu’une enfant, j’avais besoin d’amour et pourtant en retour, je n’avais eu que la haine. J’étais trop petite pour penser à fuguer ou autre chose du genre, non, je me contentais d’accepter mon sort avec résignation et peine. Mais qui était cet homme ? Il était grand, plus grand que tous les hommes qui m’avaient été donné de voir mais je ne doutais pas qu’il est tout de même une taille normale. Sa peau était mate, ses cheveux aussi noirs que les miens.
- Clemence, cet homme veut te voir. Je vous laisse. ajouta-elle à l’intention de l’homme
Celui-ci se tourna vers moi, une impression d’intense gentillesse sur le visage. Il me semblait que je le connaissais depuis toujours mais c’était comme si mon esprit était embrumé, si je n’arrivai pas à mettre la main dessus.
- Abigael, je suis Tyler.
- Je ne vous connais pas ! répliquai-je automatiquement
- Je suis ton oncle, enfin ton demi-oncle.
- Je n’aime pas qu’on me prenne pour une imbécile.
C’était vrai, je n’avais en aucun cas envi qu’il me parle comme à une gosse stupide et insouciante. Je ne l’étais pas et ne l’avais jamais été.
- Ta mère était ma demi-sœur. soupira-t-il, Elle te ressemblait beaucoup.
- Vraiment ?
Malgré moi, j’avais laissé ma curiosité prendre le dessus. Ma mère. Je l’adorais, je l’idolâtrai, j’avais beau n’avoir jamais connu ma mère, je me l’étais toujours représenté comme je me serai représenté un ange. C’était idiot et je le savais mais je pensais connaître ma mère au fond de moi, je lui parlais même parfois, en pensées évidemment, je n’étais pas assez bête pour essayer de lui parler comme ça.
- En caractère. Elle avait ce même besoin d’être sarcastique, ironique, toujours sur la défensive.
- Je ne suis pas comme ça.
C’était faux et je le savais, ce qu’il avait cité, c’était ma description précise, celle que la plupart du temps les gens n’arrivaient pas à faire puisqu’ils ne pouvaient me cerner. J’étais sombre, j’étais mystérieuse mais malgré tout je restai moi, une petite fille.
- Tu es une menteuse.
Je le foudroyais du regard, je détestais qu’on me traite de menteuse.
- Si, je le sais très bien. Tu as cette même façon de mentir, avec désinvolture et nonchalance.
J’avais passé sept ans ici, et tous ignoraient encore ma personnalité, personne n’avait réussi à me cerner et lui, il était arrivé et m’avait compris avant même que je ne parle, il m’avait percé à jour.
- Et qu’est-ce que vous voulez ? dis-je d’un ton qui frisait l’insolence
- Je viens te chercher Aby, je te ramène à la maison.
La maison. Il y a longtemps que je ne penser plus à ce terme, la maison, c’était pour moi quelque chose de si utopique.